lundi 20 décembre 2010

PARUTION DE TOTH "HORS-SERIE" N°1


Numéro spécial consacré à l'exposition "Lettrisme: vue d'ensemble sur quelques dépassements précis" à la Villa Tamaris. Le texte qui suit, de Damien Dion, fait le point sur cette manifestation, sous le titre de "A propos".

« ...il faudrait remonter assez loin pour trouver en France une exposition du lettrisme plastique d’une importance approchante, en terme de quantité, de diversité et de qualité, (...) voire jusqu’à la seule Salle lettriste et hypergraphique du Musée national d’art moderne en 1968. »
C’est ce que note Jean-Pierre Gillard à propos de l’exposition, le 10 novembre 2010 sur le blog du lettrisme. En effet, et malgré sa participation à la Biennale de Venise en 1993, cette avant-garde méconnue n’a jamais obtenu la reconnaissance qu’elle méritait. Il faudra attendre la manifestation Après la fin de l’art, qui s’est déroulée au MAM de Saint-Etienne en 2003, pour que quelques oeuvres lettristes soient montrés à un large public, mais à quel prix! Sa présence n’était acceptée qu’en tant que tremplin pour le lancement de l’Internationale Situationniste et à la rigueur du Nouveau Réalisme, seules avant-gardes valables aux yeux des autorités intellectuelles qui n’en finissent pas de célébrer la fin de l’art, la mort de l’art, le dépassement de l’art... Isou fut le premier à dépasser ce faux problème en comprenant que ce n’est pas l’Art qui meure, mais des formes de l’Art qui, une fois épuisées, doivent être remplacées par des formes nouvelles. Et c’est à cela qu’œuvre le lettrisme depuis 1945, avec la volonté farouche de toujours se renouveler.
L’un des mérites de Roland Sabatier est d’avoir su ne pas succomber à l’effet « rétrospective » et d’avoir proposé aussi bien des pièces historiques, que d’autres plus récentes et peu montrées. Par ailleurs, outre la pertinence des contenus, les œuvres exposées possèdent un fort impact visuel, plastique, allant à l’encontre de tout ce qui peut être dit et écrit depuis maintenant une soixantaine d’années. Ainsi pour beaucoup, le lettrisme, c’est de la théorie, mais aucune mise en pratique. Pour d’autres il y a bel et bien des œuvres, mais peu de bonne qualité. Cette exposition démontre clairement le contraire. Le lettrisme n’a non seulement rien à envier aux autres courants de l’art « contemporain » mais a également su perdurer, affichant sa pleine vitalité. Ainsi, l’accrochage sobre et clair permet de s’immerger sans être écœuré dans un ensemble de toiles, de dessins, de photographies et d’installations représentatifs des différents apports artistiques du lettrisme, au moins pour le secteur des arts visuels.
La démarche de Sabatier ne semble pas avoir été du goût de tout le monde, y compris de la part d’ « amis » du lettrisme, accusant le commissaire d’avoir éclipsé certains lettristes « historiques » (pour ne pas les citer : Jean-Louis Brau, Gil Wolman et Jacques Spacagna), au profit d’autres « qui ne sont pas vraiment lettristes » (moi, entre autres). Le point de vue du commissaire a toujours été clair : il s’agit de montrer un aperçu du groupe lettriste actif en 2010, auquel s’ajoutent les figures posthumes d’Isidore Isou, Gabriel Pomerand, Micheline Hachette et Woodie Roehmer, qui ont été actifs jusqu’à leurs décès, ou n’ont, en tout cas, jamais remis en cause leur appartenance. Est-ce que, sur le long terme, tous ces noms resteront et à quel niveau, la question reste posée mais qu’importe. Comme il a été souligné plus haut, ce n’est pas une rétrospective mais plutôt un état des lieux des œuvres et des artistes qui s’acharnent à faire vivre le lettrisme aujourd’hui. Il est donc logique que Brau, Wolman et Spacagna n’y figurent pas, non parce qu’ils n’auraient rien apporté au lettrisme, mais parce qu’il l’ont volontairement quittés et n’appartenaient déjà plus, de leur vivant, au mouvement, et ce depuis 1964 pour les deux premiers, et 1972 pour le troisième. Mon seul gros regret est l’absence de Maurice Lemaître, figure majeure du lettrisme depuis 1950, qui n’a, semble-t-il, pas souhaité figurer dans cette exposition, alors qu’il y aurait eu toute sa place.
Malgré tout, cette exposition restera comme un événement majeur pour le lettrisme en ce début de XXIe siècle. Espérons que cette initiative, qui s’inscrit dans le sillage d’autres démarches de revalorisation comme l’exposition Quelques oeuvres à lire-la collection Eric Fabre, à Lisbonne durant l’été 2010, ou la très belle et complète rétrospective sur Gil Wolman au MACBA de Barcelone, organisée par Frédéric Acquaviva et qui se déroule jusqu’en janvier 2011, donnera naissance à d’autres initiatives du même genre pour qu’enfin, ce qui constitue un pan entier de l’Histoire de l’Art et des Idées ne soit plus occulté.

Damien Dion, novembre 2010.

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