jeudi 5 mars 2009

VIDE, EN EFFET!


















Légende de la photo : Isidore Isou, Extrait de « Introduction à l’esthétique imaginai-re », revue Front de la Jeunesse, n°7, mai 1956
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Du 25 février au 23 mars, le Musée d’Art Moderne du Centre Pompidou ne se contente pas de parler du vide, il nous le montre.
En dehors de vides identiques répartis en différentes salles, qu’y voit-t-on ? Des cartels qui nous suggèrent la présence de l’invisible (Klein), d’un volume d’air conditionné entre quatre murs (Art and Language), d’un lieu propice à la réflexion et à l’échange (Robert Barry),d’un espace vide où l’auteur est censé revenir régulièrement pour réfléchir à ce qu’il pourrait y réaliser (Robert Irwin), du rien (Laurie Parsons), d’un bâtiment de Mies van der Rohe inoccupé (Bethan Huws), du résultat d’une restauration architecturale (Maria Eichhorn), d’un système d’écoute dissimulé (Roman Ondàk) ou, encore, d’un espace vide réservé à l’intérieur du musée (Stanley Brown).
Dans tous ces cas, il ne s’agit que de valeurs particulières, mais concrètes, de la réalité qui ont été détournées et signées en elles-mêmes par leur auteur comme des œuvres d’art sans ne jamais parvenir à aller au-delà du principe général de l’appropriation esthétique formulé par Duchamp à partir de 1915 et repris par Man Ray un peu plus tard.
Pour l’auteur de Air de Paris il s’imposait que d’autres réalisaient sous ses yeux les déclinaisons infinies que lui-même s’était toujours interdit d’accomplir. A leur sujet, dans une lettre adressée à Hans Richter en date du 19 novembre 1962, il déclarait que « Le néo-dada qu’ils appellent Nouveau Réalisme, Pop Art, Assemblage, etc. est une solution de facilité et vit de ce que Dada a fait. Lorsque j’ai découvert les ready-made, j’ai essayé de disqualifier l’esthétique. Dans leur néo-dada, ils ont pris mes ready-made et y ont trouvé une beauté esthétique ; je leur ai jeté un porte-bouteille et un urinoir à la figure, comme un défi, et voici qu’ils les admirent pour leur beauté esthétique ! ».
De même, Roland Sabatier rapporte que Man Ray lui aurait confié au cours de l’année 1971 que les artistes de ces mêmes groupes « n’offraient aucune originalité nouvelle » et qu’ils étaient pour Dada, « ce que Carzou ou Labisse étaient, en dépit de leurs succès à cette époque, pour le Surréalisme ».
Cette fois encore, il est regrettable que le Centre Pompidou s’obstine à propager des réalisations imitatives au détriment des grandes créations originales du passé et, plus encore, aujourd’hui, des créations du Lettrisme qui, dans l’art plastique, notamment, sont les seules à avoir dépassé le persiflage dadaïste, le rien, le n’importe quoi ou le vide promu au rang d ‘œuvre d’art pour dévoiler, d’abord, dès 1950, l’art hypergraphique, basé sur l’intégralité des signes concrets de la communication visuelle, ensuite, en 1956, l’art infinitésimal ou imaginaire préoccupé de l’organisation des expressions inconcevables, invisibles, impossibles ou transcendantales; deux systèmes complétés par la méca-esthétique intégrale, proposant aux arts toutes les catégories de supports et d’outillages, et le cadre supertemporel, dédié uniquement à la participation du public, dans le cadre desquels s’inscrivent des réalisations inédites d’Isidore Isou et de ses camarades, comme Le Film-débat (1952), puis La Plastique rhétorique (1960), qui réduisaient l’œuvre à des discussions sur sa possibilité d’existence, de nouveaux supports avec La plastique gazeuse et physico-chimique (1960), ou encore le rythme de la Polythanasie esthétique capable d'agir méthodiquement en faveur de l'anéantissement complet de tous les arts.
Mais, sans doute, faudra-t-il attendre certainement longtemps !
N’est-ce pas ce même musée du Centre Pompidou qui a acquis ses premiers ready-made de Duchamp seulement à partir du début des années 1980, alors qu’antérieurement il faisait déjà entrer les plagiaires de ce créateur dans les collections publiques ?
Gérard Bermond

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